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Témoignage
de Patrice.
Bonjour à
tous,
La phobie sociale
et son corollaire, l'évitement permanent, sont des poisons
qui m'intoxiquent lentement mais sûrement depuis mon enfance.
Je voudrais toutefois insister sur les effets de cette maladie à
l'approche de la quarantaine, du moins en ce qui me concerne. Ils
peuvent être résumés en un mot : découragement.
A 15, 20, 25 ans, on se dit qu'il sera toujours temps de redresser
la barre, de faire mieux une autre fois. A 40 ans, on ne peut que
constater ce que l'on est devenu : un être fragile, évitant
soigneusement toute initiative, de peur de s'exposer au regard de
l'Autre. Le cercle vicieux s'est installé : moins je me montre,
plus je me trouve nul ; plus je me trouve nul, moins je me montre.
Je suis arrivé
à un tel point de désarroi et de sentiment d'impuissance
que j'ai l'impression de traverser la vie comme un ombre, sans aucune
prise sur la réalité, sans aucun intérêt
pour les autres. Les jours s'empilent les uns sur les autres sans
aucune signification, autre que faire son boulot au bureau, être
un bon époux et un père modèle à la
maison.
Je suis suivi
depuis de nombreuses années (analyse + médicaments).
Je peux dire aujourd'hui que je ne suis arrivé à rien,
si ce n'est gérer l'inconfort dans la durée, juguler
les crises de mélancolie les plus graves (ruminations suicidaires).
Bref, cela permet
de rester à un niveau de survie acceptable pour soi et pour
l'entourage. Mais cette aide, dispensée par des soignants
impliqués et humains, ne m'a jamais permis de construire
la partie manquante de mon individu : celle qui aime entrer en contact
avec l'extérieur, celle qui trouve plaisir à se retrouver
entre êtres humains.
Je crois tout
simplement que la fêlure qui lézarde les phobiques
sociaux est trop profonde pour être colmatée. Il s'agit
pour moi d'une véritable amputation de la faculté
à fonctionner parmi ses congénères. Seuls peuventêtre
envisagés des travaux de confortement, de réassurance
qui ne durent malheureusement qu'un temps.
Cette lecture
pessimiste de la situation est naturellement très personnelle.
Je serai très intéressé par connaître
le témoignage de personnes ayant 50, 60 ans ou plus afin
de connaître l'évolution de ce trouble.
Bonne route
à tous.
Patrice, 38
ans.
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